Lu : Charlevoix 1970 par Gabor Szilasi, avec les textes de Marcel Blouin, David Harris et Jean O’Neil, publié chez L’instant même en 2012, et vu : Charlevoix raconté, exposition permanente du Musée de Charlevoix inaugurée en 2012 et présentée jusqu’en 2022.
Dans son essai Gabor Szilasi, de la famille des constructeurs de mythes, Marcel Blouin remonte au célèbre passage de Jacques Cartier à l’Isle-aux-Coudres puis aux films de Pierre Perrault (Michel Brault et Marcel Carrière) au sujet du même endroit pour camper la série de photographies réalisée à l’automne 1970 par Szilasi. Dans cette filiation, il ne mentionne cependant pas les images de Jean Palardy ni celles de la Corporation Lumière-Image de Charlevoix (CLIC).


Pourtant, Palardy (1905-1991) est lui aussi parti à la recherche de l’identité d’un pays en photographiant la vie dans la région, et ce, dès les années 1930 et 1940. Si cela n’a pas déjà été fait, cette contribution elle aussi remarquable à la création d’un paysage mythique mériterait une étude approfondie.



Mais revenons à Szilasi (1928- ) qui, pour sa part, disait : « Vous savez, ce n’est pas le paysage qui m’attire, à moins qu’on y reconnaisse un fil électrique, un fil de téléphone. […] ce sont les gens au bout de ce fil qui m’inspirent » (p. 7).



Blouin reconnaît le regard extrêmement respectueux porté par le photographe et situe bien la série de Szilasi par rapport à celles d’autres collègues oeuvrant à la même époque, dont Claire-Beaugrand-Champagne. Toutefois, il étire un peu l’élastique en affirmant que toutes ces images fixes ou animées de Charlevoix donnent directement accès aux « véritables origines rurales, insulaires et maritimes des francophones en terre d’Amérique » (p. 8). Celles-ci illustrent peut-être surtout, en plus de leur beauté intrinsèque, cet enchevêtrement entre « l’attachement nostalgique [à un] passé impossible à perpétuer et l’acceptation d’une modernité qui n’a pas encore dévoilé [toutes ses] avancées et [ses] déboires » (p. 10).

Comment effectivement, encore aujourd’hui, ne pas être à la fois ébloui par l’ouverture spectaculaire sur le fleuve, dans le sens de sa longueur, depuis la pointe sud-ouest de l’Isle-aux-Coudres et mystifié devant ces maisons de style « Four Square » à peine reconnaissables derrière tout ce vinyle ou cet aluminium, ces ouvertures modifiées, ces galeries amputées ou disparues ?
