Miel

English version below.

Lu : Le regard nomade par Ettore Sottsass publié en 1996 chez Thames & Hudson.

« J’étais si curieux de tout ce que je voyais et il y avait tant de choses à voir que je n’en finissais plus de tout archiver » (p. 7). C’est ainsi que le célèbre designer italien Ettore Sottsass (1917-2007) raconte ce qui l’a amené très tôt à la photographie.

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Photo : Hampi, Inde, 1992 (série Arbres), Ettore Sottsass, p. 100.

Certains thèmes piquent la curiosité (architecture pompier, architecture au basilic) et la variété des environnements visités par Sottsass est impressionnante. Toutefois, il faut creuser pour dénicher les images qui se tiennent toutes seules et les passages touchants dans les textes d’un homme d’une autre époque, présomptueux, brusque et qui parle un peu trop du miel des jeunes filles (même si l’on devine que c’est ce miel qu’il tente d’injecter dans ses créations).

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Photo : Inde, 1978 (série Eros), Ettore Sottsass, p. 215.

Une immense sensibilité est cependant bien là, comme dans ce récit d’un grand amour dévié par la guerre, du jour récent où le fils appelle Sottsass pour lui apprendre la mort de sa mère, toutes ces années plus tard. Ou dans ce cri lancé en 1943 : « Nous ne demandions pas grand-chose. Nous demandions […] que les maisons ne soient plus détruites, que toutes les fenêtres continuent de briller avec leurs vitres. Mais il n’y avait pas grand-chose à demander, puisque personne n’aurait alors écouté. Nous qui devions faire la guerre, nous demandions seulement de pouvoir rester assis à regarder les montagnes, les fleuves, les bois, les jeunes filles, les cimetières, sans devoir toujours avoir pitié de quelqu’un, sans devoir toujours avoir honte de nous-mêmes » (p. 11).

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Photo : Monténégro, 1943 (série Guerre), Ettore Sottsass, p. 13.

En fait, au lieu de dénigrer cet outil qui le servait si bien : « […] le résultat est toujours désastreux parce que la vie, figée par le Polaroïd, se transforme toujours en une étrange carte postale plastifiée, sans même un timbre collé dessus pour l’expédier quelque part » (p. 7), peut-être Sottsass aurait-il dû l’embrasser pour composer, à la manière d’un Wim Wenders, davantage d’images comme celles-ci :

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Photo : Shu-Yang, 1994 (série Chine), Ettore Sottsass, p. 120.
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Photo : Shu-Yang, 1994 (série Chine), Ettore Sottsass, p. 122.
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Photo : Nevada, États-Unis, 1977 (série Cimetières), Ettore Sottsass, p. 43.
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Photo : Hong Kong, 1993 (série Gratte-ciel), Ettore Sottsass, p. 131.

English version:

Honey

Read: Le regard nomade by Ettore Sottsass published in 1996 by Thames & Hudson.

« I was so curious about everything I saw and there was so much to see that I never finished archiving everything » (p. 7). This is how the famous Italian designer Ettore Sottsass (1917-2007) describes what led him to photography at an early age.

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Photo: Hampi, India, 1992 (Trees series), Ettore Sottsass, p. 100.

Some themes arouse curiosity (firefighter architecture, basil architecture) and the variety of environments visited by Sottsass is impressive. However, it is necessary to dig up the images that stand alone and the touching passages in the texts of a man from another era, presumptuous, abrupt and who talks a little too much about the « honey » of young girls (even if we guess that it is this honey that he tries to inject into his creations).

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Photo: India, 1978 (Eros series), Ettore Sottsass, p. 215.

However, an immense sensitivity is there, as in this story of a great love deviated by the war, from the recent day when the son called Sottsass to tell him about his mother’s death, all these years later. Or in that emotional plea from 1943: « We didn’t ask for much. We asked […] that the houses would no longer be destroyed, that all the windows would continue to shine with their glass. But there was not much to ask, since no one would have listened then. We who were to wage war only asked to be able to sit and watch the mountains, rivers, woods, young girls, cemeteries, without always having to feel sorry for someone, without always having to be ashamed of ourselves » (p. 11).

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Photo: Montenegro, 1943 (War series), Ettore Sottsass, p. 13.

In fact, instead of denigrating this tool that served him so well: « […] the result is always disastrous because life, frozen by the Polaroid, always turns into a strange plastic postcard, without even a stamp stuck on it to send it somewhere » (p. 7), perhaps Sottsass should have embraced it to compose, in the manner of a Wim Wenders, more images like these:

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Photo: Shu-Yang, 1994 (China series), Ettore Sottsass, p. 120.
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Photo: Shu-Yang, 1994 (China series), Ettore Sottsass, p. 122.
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Photo: Nevada, United States, 1977 (Cemeteries series), Ettore Sottsass, p. 43.
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Photo: Hong Kong, 1993 (Skyscrapers series), Ettore Sottsass, p. 131.