Lu : Bauhausmädels: A Tribute to Pioneering Women Artists par Patrick Rössler et publié chez Taschen en 2019; vu : la première saison de Bauhaus – A New Era, une série réalisée par Lars Kraume (écrite avec Judith Angerbauer et Lena Kiessler) et présentée à l’antenne de MHz en 2021.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’ampleur de la destruction et des bouleversements causés par celle-ci constitue pour beaucoup un appel à mettre en oeuvre des changements tout aussi radicaux. C’est dans ce contexte tourmenté et effervescent que naît le Bauhaus à Weimar en 1919 et qu’il évoluera jusqu’à sa fermeture par les nazis à Berlin en 1933.
Au fil de sa courte existence, cette école sera fréquentée par plus de 460 étudiantes, attirées par le renouveau mis de l’avant par une brochette de célèbres « maîtres ». Pour Rössler, ces « filles du Bauhaus » incarnent ainsi tout particulièrement cette « femme nouvelle […] exigeante sur le plan intellectuel, créative sur le plan culturel, curieuse, optimiste et prenant son destin en main » (p. 66).






Alors que les magnifiques portraits éclipsent quelque peu les trop courtes biographies, le catalogue constitué par Rössler pourrait cependant faire penser à l’annuaire d’une agence d’actrices ou de mannequins. L’ouvrage offre donc des pistes, mais c’est ailleurs qu’il faudra remonter celles-ci pour admirer les réalisations de ces créatrices et mieux saisir toute la richesse de leurs parcours respectifs.
Étonnamment absente du livre de Rössler, c’est là que Dörte Helm (1898-1941) offre, grâce à la série Bauhaus – A New Era dont elle est la principale protagoniste avec Walter Gropius, une incursion absolument fascinante dans le formidable bouillonnement de l’école et, précisément, dans les efforts déployés par les étudiantes pour changer les choses, incluant le rôle dans lequel l’avant-garde masculine tente de les confiner.


Si le sadisme de Johaness Itten (Sven Schelker) explique peut-être certaines formes d’enseignement encore parfois valorisées aujourd’hui dans les écoles d’art, de théâtre et d’architecture, il en va heureusement tout autrement des collègues de Dörte, dont Gunta Stölzl (Valerie Pachner) et Marcel Breuer (Ludwig Trepte), et de certains de ses professeurs, tels Lyonel Feininger (Ernst Sötzner) et Oskar Schlemmer (Felix Eitner ?), qui, eux, sont très humains et attachants, et qui voient bien tout son talent.

D’ailleurs, alors que la rumeur court que Gropius aurait demandé la main de Dörte, c’est Breuer qui met celle-ci en garde en lui apprenant qu’Anni (Annelise Fleischmann) déclinera probablement la demande semblable que lui a faite Josef (Albers), un autre « maître » du Bauhaus, car : « She’d have kids and raise them while he does art. But Anni wants to be creative herself, not just a timid mouse by his side. »
Dans la vraie vie, on sait qu’Anni s’est finalement mariée avec Josef et que, par bonheur pour eux, leur complicité s’est démultipliée !


Cela n’enlève cependant rien à la série dont l’intérêt réside dans la grande finesse avec laquelle toute la complexité de l’époque et toutes les nuances des situations sont… tissées ! Finesse qui se retrouvait également dans l’exposition 1937 et la bande dessinée Berlin discutées dans de précédents billets. Vivement la seconde saison pour suivre ces différents destins, alors que l’école emménagera dans son mythique bâtiment de Dessau !
