Vu : Anthropocène, l’exposition qui était présentée jusqu’au 24 février 2019 au Musée des beaux-arts du Canada, et lu : Anthropocene: Burtynsky, Baichwal, De Pencier, catalogue de l’exposition éponyme édité par Sophie Hackett, Andrea Kunard et Urs Stahel, copublié par l’Art Gallery of Ontario (AGO) et Goose Lane Editions en 2018.
Avant tout, quelle belle surprise que de trouver en guise d’introduction au texte de Sophie Hackett (Far and Near: New Views of the Anthropocene) une photo aérienne prise en 1937 par la célèbre Margaret Bourke-White… au Lac Saint-Jean !

Margaret Bourke-White, p. 13.
D’emblée, aller constater le désastre planétaire en cours, même si les images sont étrangement magnifiques, ne s’annonce guère réjouissant. On a beau tenter de se rassurer en refaisant l’inventaire de tous les gestes que l’on pose soi-même depuis des années pour diminuer son empreinte, les 170 chevaux qui se cachent sous le capot chatouillent immanquablement la conscience, même s’il s’agit d’une toute petite auto dans cette mer de « pickups » et de véhicules utilitaires sports. Sur les routes droites à l’infini des plaines de l’Ouest, peut-être… Mais dans nos rues constellées de nids de poule et presque partout ailleurs…


Il vaut cependant la peine de garder les yeux ouverts et d’avancer dans les salles, car, comme l’indique Jennifer Baichwal dans son texte The Embodied Signal : « The Anthropocene Project is a culmination of all the conversations we [Burtynsky, De Pencier et elle-même] have ever had about art’s capacity to provoke change, as well as the merits and drawbacks of doing this experientially: to not preach, harangue or blame, but to witness, and in that witnessing, try to shift consciousness. There is some danger to this approach because you can argue that the scale and rapidity of planetary destruction requires something more urgent, something that more suddenly signals emergency. Point taken. But I still believe that lateral exploration, the open-ended conversation, can provoke transformations more deeply than hard argument. » (p. 197)


Baichwal explique également que : « Another problem was how to honour particularity in context, to find the right ethic, and dialectic between scale and detail. How can you go all over the world to places you are not intrinsically connected to and hope to reveal anything significant or true? How do you proceed without arrogance and with as much interrogation of your own bias as possible? When I use the word « true » I do not mean objective, dispassionate reportage, which we all know doesn’t exist. I mean experiential knowledge that opens up empathy and understanding. » (p. 198)


Il n’est pas moins difficile de voir apparaître, à partir de ces points de vue saisissants qui sont la marque de Burtynsky, ces endroits dévastés que l’on ne voit jamais. Tout cela alors qu’au 20e siècle seulement la planète est passée 1,5 à 6,1 milliards d’habitants. En même temps, cette approche par la bande, sans prêchi-prêcha, a le mérite de montrer concrètement les interrelations de plus en plus étroites entre les ressources extraites là-bas et les produits consommés ici.