Lu : Menonitas de Nueva Durango par Miguel Bergasa et publié par le Museo Universidad de Navarra en 2018, et vu : la première saison de la série israélienne Shtisel, écrite par Ori Elon et Yehonatan Indursky, réalisée par Alon Zingman et diffusée en 2013.
Fondée en 1978 aux confins du Paraguay par 2 500 mennonites arrivés du Mexique, la colonie de Nueva Durango est un endroit hors du temps, loin des distractions de la vie moderne (radio, télévision, téléphone intelligent). Ses habitants perpétuent le mode de vie, les traditions et le dialecte allemand de leurs ancêtres lorsque ces derniers ont fui l’Europe au milieu du 16e siècle. Lorsque l’électricité y a timidement fait son entrée au début du 21e siècle, 700 membres de la communauté ont choisi de rejoindre d’autres colonies plus rigoristes en Bolivie.



Dans cette communauté où seuls les hommes parlent espagnol, uniquement pour commercer avec l’extérieur, et où le taux de mortalité infantile est très élevé, alors que l’on hésite à se rendre à l’hôpital, le tact dont a dû faire preuve le photographe espagnol Miguel Bergasa (1951- ) pour entrer jusque dans les chambres à coucher est impressionnant.
Ce tact est cependant d’autant plus époustouflant qu’il imprègne toutes ses photographies. Si la rigidité du cadre que s’imposent les Mennonites est omniprésente, ce sont d’abord des êtres humains, dans toute leur dignité, qui se présentent devant la caméra.

Quant à la série Shtisel, elle raconte la vie d’une famille de Juifs ultra-orthodoxes (Haredim) habitant aujourd’hui dans le quartier de Gueoulah à Jérusalem. Autre continent, autre culture, un peu plus d’ouverture ici, un peu moins là, surprenante méfiance envers les sionistes ou d’autres mouvances, mais même humanité.



Impossible de ne pas trouver l’air un peu rare dans ces deux mondes dont les codes nous sont moins familiers, où les parents s’ingèrent profondément dans la vie et les relations de leurs enfants, où les apparences et l’honneur de la famille doivent être saufs à tout prix.
Au-delà des différences, les images de Bergasa et de Shtisel offrent, de l’Amérique du Sud au Proche-Orient, un aperçu à la fois respectueux et lucide de deux univers autrement totalement inaccessibles. Comme l’explique Ignacio Miguéliz Valcarlos dans un texte au sujet de l’exposition qui accompagne le catalogue, cela permet de réfléchir à : « how we look at the Other in search of similarities with ourselves ». La distance qui nous sépare devient soudainement infiniment plus petite.

Merci à Monique et Pierre d’écumer ainsi tant la cinématographie mondiale que les libraires mexicaines, et pour leur curiosité insatiable.