Touches

Vu : À la recherche de l’innocence, un film réalisé par Léonard Forest en 1964, et : Everything Will Be, un documentaire réalisé par Julia Kwan en 2014, tous les deux sous l’égide de l’ONF.

Au milieu des années soixante, Forest (1928- ) traverse le continent et découvre, à Vancouver, une effervescence à laquelle il ne s’attendait pas. La surprise est telle qu’elle lui inspire cet élan poétique aux accents automatistes :

« Ça ne veut rien dire innocence. C’est un mot à ne rien dire. Mais nous savons ce que nous voulons dire. L’innocence, c’est le geste qui colle à l’âme. L’innocence, c’est une pure correspondance entre soi et tel geste ou telle forme. L’innocence, c’est la joie. L’innocence, c’est une image vraie de soi et l’innocence est facile quand on l’a. Mais quand elle est perdue, eh bien je me demande si l’innocence n’est pas aussi difficile à retrouver que le temps. »

Cinquante ans plus tard, l’étonnante galerie de personnages rassemblés par Julia Kwan (1990- ), dont l’imprimeur rencontré par Forest, entrouvre délicatement, toujours à Vancouver, la porte d’un Chinatown en pleine mutation.

Habitant l’une des 126 petites chambres du May Wah Hotel, le poète Marc Brockington n’a rien (ni biens ni dettes) et ne cherche qu’à écrire de bons poèmes. Il argue : « Poets don’t matter. Poems matter. »

Arrêt sur image : Everything Will Be, 2014, Patrick McLaughlin (directeur de la photographie).
Arrêt sur image : Everything Will Be, 2014, Patrick McLaughlin (directeur de la photographie).
Arrêt sur image : Everything Will Be, 2014, Patrick McLaughlin (directeur de la photographie).
Arrêt sur image : Everything Will Be, 2014, Patrick McLaughlin (directeur de la photographie).
Arrêt sur image : Everything Will Be, 2014, Patrick McLaughlin (directeur de la photographie).

Il n’y a pas d’alexandrins sans Alexandre, mais un poète trop imposant risque effectivement d’éclipser ses poèmes. C’est donc par fines touches que Kwan montre qu’il n’y a pas de Chinatown sans Chinois, et que ce sont leurs innombrables gestes quotidiens qui animent et définissent ce précieux morceau de ville. Comme chaque corde pincée sur la contrebasse et chaque coup de spatule donné sur la toile, captés par Forest, illustrent toute la difficulté, mais aussi tout le bonheur de cette quête éperdue de l’innocence.

Arrêt sur image : Everything Will Be, 2014, Patrick McLaughlin (directeur de la photographie).