English version below:
Les oreilles remplies de NWA, mon grand ami Nicolas et moi entrons au YMCA. Nous avons neuf ou dix ans et, bien avant que cela ne devienne une discipline olympique, nous sommes venus nous inscrire à ce tout nouveau cours de « breakdancing ». Alors que nous avons de la difficulté à voir au-dessus du comptoir, on nous fait vite comprendre que nous ne sommes pas assez noirs, pas assez pauvres et surtout beaucoup trop jeunes pour faire des « headspins ». Comme s’il fallait un permis pour « groover » sur un « fat beat ».

Deux ans plus tard peut-être, je regarde des gars grimper la côte derrière le manège militaire puis passer en flèche le long du jardin Jeanne-d’Arc sur leur Marinoni rose tout en dévorant une des cuisses de poulet cachées dans la poche de leur maillot. Pure vitesse, pure folie, bien avant le dopage industrialisé et les courses millimétrées. Je me faufile entre les puissantes familiales couronnées de quatorze vélos, et je trouve un entraîneur de mauvaise humeur et des mécanos débarqués de Palermo. J’ose leur demander comment on fait pour pédaler avec eux. Deux fois plus grands que moi, ils me font vite comprendre que je ne suis pas assez italien, pas assez riche et surtout beaucoup trop jeune pour tenir de telles cadences. Comme s’il fallait un permis pour avaler du vent.

Beaucoup plus tard, par un soir pluvieux de novembre, des représentants de l’OAQ visitent l’école d’architecture pour la première fois. L’ALÉNA vient d’entrer en vigueur en même temps qu’une série de nouveaux examens nord-américains, de ceux que l’on administre aux recrues des forces spéciales. Je ne suis qu’en première année, mais je comprends que nos aînés qui peinent à joindre les deux bouts ne veulent rien entendre de la relève. Les finissants, eux, sont debout sur les tables, voyant le mur qui approche. Je comprends aussi très vite qu’il y aura encore moins de place pour nous et que, oui, il faut bel et bien un permis pour dessiner.

English version:
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With our ears full of NWA, my good friend Nicolas and I enter the YMCA. We are nine or ten years old and, long before it became an Olympic discipline, we have come to sign up for this brand new breakdancing class. While we have difficulty seeing over the counter, we are quickly told that we are not black enough, not poor enough and, above all, far too young to do headspins. As if you needed a permit to groove on a fat beat.

Maybe two years later, I watch guys climbing the hill behind the armoury and then speeding along the Joan of Arc garden on their pink Marinoni while devouring one of the chicken legs hidden in their shirt pocket. Pure speed, pure madness, long before industrialized doping and millimetered races. I squeeze in between the powerful station wagons crowned with fourteen bikes, and I find a moody coach and mechanics from Palermo. I dare to ask them how to pedal with them. They are twice as tall as I am and quickly make me understand that I am not Italian enough, not rich enough and above all much too young to keep up with such speeds. As if you needed a licence to swallow wind.

Much later, on a rainy November evening, representatives of the OAQ visit the school of architecture for the first time. NAFTA has just come into effect, along with a series of new North American exams, the kind they give to special forces recruits. I’m only in my first year, but I understand that our seniors, who are struggling to make ends meet, don’t want to hear from the next generation. The graduates are standing on the tables, seeing the approaching wall. I also understand very quickly that there will be even less room for us and that, yes, you do need a permit to draw.
