Lu : Les fourchettes : une vingtaine complexe et sensuelle par Sarah-Maude Beauchesne, publié chez Hurtubise en 2020; vu : Fourchette, une série comportant deux saisons réalisées par Catherine Therrien (idée originale de Sarah-Maude Beauchesne qui y incarne le rôle de… Sarah) et présentées sur Tou.tv en 2019 et 2020; et vu : Photograph, un film de Ritesh Batra tourné en 2017 et lancé en 2019.
Qu’elle soit dans les pages d’un livre ou portée à l’écran par les images soignées d’Alexandre Lampron, l’écriture de Sarah-Maude Beauchesne est vive et percutante. Elle fait réfléchir à la complicité, à l’amour et à ce qui tient deux personnes ensemble même lorsque l’une d’elles (lui ici) boit trop et devient imbuvable. Cette écriture est également parsemée d’expressions qui pourraient donner l’impression d’un franc-parler rafraîchissant et d’une « sexu » décomplexée. À la longue cependant, cette stratégie semble surtout, pour l’héroïne, un moyen supplémentaire d’attirer l’attention dont elle avoue manquer cruellement.

La série se veut un encouragement à être bien d’abord par soi-même, à assumer ses désirs et ses contradictions sans l’approbation d’un amoureux/d’une amoureuse. Le message glisse malheureusement entre les mailles de plusieurs paragraphes/scènes. Même lorsque vêtue d’un « power suit » époustouflant Sarah tente de repousser les convictions préusinées de la rédactrice en chef d’un magazine, elle ne semble pas tout à fait convaincue de ses propres arguments.

Parfois, les algorithmes qui savent tout s’égarent et vous proposent de nouveaux amis, du style les ex de vos amies. They should know better. Ou encore cette fille dont vous n’avez jamais entendu parler, mais qui sourit en bikini au sommet d’une montagne à Bali. Alors que nous sommes encore cloués en télétravail et que la bise souffle dehors, on ne peut qu’apprécier les paysages paradisiaques, l’insouciance des vacances et les courbes cuivrées. Ces mises en scène ne mettent cependant l’accent que sur les jolis minois (Sarah dirait sur le fait d’être « baisable ») et sur une vie de « It Girl ». À quoi pensent ces filles ? On ne le saura pas, car seules retentissent les basses des pistes de danse d’Ibiza.
Ces images sont-elles si éloignées de celles d’un Jacques-Henri Lartigue ? Dans la forme, peut-être. Sur le fond, peut-être pas.
Loin de cette insécurité et de ces artifices, Miloni et Rafi se rencontrent, dans Photograph, avec leur désir d’une vie différente de celle décidée par leurs parents pour chacun d’eux. Dans l’effervescence moite de Mumbai, un regard, quelques mots ou un silence suffisent pour exprimer le doute, la curiosité, le plaisir de se retrouver et d’inventer lentement une histoire imprévisible, mais juste.
