Après

Lu : la chronique Temps dur pour les modernes de François Bourque parue dans Le Soleil le 22 juin 2020; vu : les documentaires Luc Durand : Leaving Delhi, réalisé par Étienne Desrosiers en 2019, et D’Astous, réalisé par le même cinéaste en 2016.

En apprenant qu’un autre bâtiment conçu par l’architecte Robert Blatter (1899-1998) allait être démoli (l’église Saint-Louis-de-France à Sainte-Foy cette fois), difficile de ne pas partir en croisade pour certains, en tout cas de rester assis pour d’autres.

Alors que plusieurs des résidences qu’il a dessinées ont disparu, que le Colisée (1949), l’hôpital des vétérans (aujourd’hui le CHUL, 1953-1954) et le centre des loisirs Saint-Sacrement (1956-1958) ont tous été plus ou moins dissimulés derrière des agrandissements, et que l’on se demande pendant combien de temps encore la Maison généralice des Sœurs de la Charité de Québec à Giffard (1953-1956) résistera à son engloutissement par la banlieue galopante, difficile effectivement de ne pas ressentir un pincement pour le legs de Blatter.

En suivant Desrosiers sur les pas de Durand (1929-2018) et D’Astous (1926-1998), deux géants de l’architecture au Québec, difficile de ne pas être nostalgique de cette époque glorieuse où tout semblait possible.

Photographie : Pavillon du Québec, Expo 67, Luc Durand architecte (avec Papineau, Gérin-Lajoie, Le Blanc), photographe non identifié, image tirée de Luc Durand : Leaving Delhi, Étienne Desrosiers, 2019.

Comme d’aménager des quartiers entiers de la capitale indienne en quelques heures.

Dessin (recadré) : Titre et date non notés, Luc Durand architecte, image tirée de Luc Durand : Leaving Delhi, Étienne Desrosiers, 2019.

Et où l’architecture semblait d’abord et avant tout un art.

Arrêt sur image : Durand dans le hall du Shiela Cinema à Paharganj, intérieur par Luc Durand architecte, image tirée de Luc Durand : Leaving Delhi, Étienne Desrosiers, 2019.

Ayant étudié une petite année auprès de Frank Lloyd Wright, D’Astous est encore plus flamboyant et théâtral, comme son maître et les starchitectes d’aujourd’hui.

Dessin (recadré) : Résidence Thomas-Louis Simard, Estérel, 1959, Roger D’Astous architecte, image tirée de D’Astous, Étienne Desrosiers, 2016.

Cependant, il rejoint Durand dans cette architecture « fulgurante » commandée par le maire Drapeau en vue de la construction du Village olympique. D’ailleurs, Durand décrira sa collaboration avec D’Astous lors de ce projet comme ayant été « tout à fait exceptionnelle », et ce, malgré le scandale financier dans lequel ils ont été entraînés bien malgré eux par la suite.

Dessin : Village olympique, Montréal, 1976, Roger D’Astous et Luc Durand architectes, image tirée de D’Astous, Étienne Desrosiers, 2016.

De la même façon, répondant à la question de nommer son bâtiment le plus marquant, D’Astous réfléchit longuement puis indique que ce sont plutôt les projets où le dialogue a été le plus serré avec les clients qui l’ont le plus stimulé.

En l’absence de ces architectes, leurs bâtiments parlent pour eux, nous permettent du moins de saisir une partie de leur imaginaire, ce qui est précieux et fascinant. Cependant, au-delà du béton et de la pierre ou de l’éclat des projecteurs, il semble que les relations étroites qu’ils ont nouées et le plaisir, « unique » dirait Blatter (Rompré, 1998), qu’ils ont eu dans leur travail s’avèrent tout aussi importants dans ce qui pourrait constituer une définition plus vaste de la réussite et de ce qui subsiste finalement après.