Vu : l’exposition Le projet Polaroid : art et technologie présentée au Musée McCord jusqu’au 15 septembre 2019.
Dès ses débuts, Polaroid met ses prototypes à la disposition de photographes connus et invite ceux-ci à expérimenter. Comme le résume l’artiste canadien Evergon (1946- ) dans un texte de l’exposition, l’engouement est phénoménal (nous soulignons) :
« Absolument délirant. Le premier appareil Polaroid est arrivé sur le marché en 1948 [inventé par Edwin Herbert Land l’année précédente], mais avec le SX-70, le Polaroid est passé de l’appareil photo du monsieur distingué au trip psychédélique ultime. C’est l’appareil des années 1970 : satisfaction des désirs et gratification immédiate. C’était aussi un tout-inclus. L’expérience Polaroid, c’était le processus créatif, les tirages d’essai et les épreuves finales, le tout en une minute. Tu y penses et tu l’as. Une pression sur le bouton, le pouf du stroboscope et tout est là ou n’y est pas ! Dans les grands formats, 8 x 10, 20 x 24 ou 40 x 80, les tirages étaient décadents. On avait en vie de les lécher. […] Polaroid était LE médium. »

Le projet Polaroid présente ainsi, en plus de quelques courts films d’époque décortiquant les dizaines d’étapes miniaturisées à l’intérieur de l’appareil pour produire une image en un temps record, un vaste éventail de photographies prises dans ce contexte qui mènera à la constitution de deux immenses collections, l’une européenne et l’autre américaine. Impressionnant au point où même Guy Bourdin, autrement peu subtil (comme vu à Berlin en 2017), devient soudainement intriguant.

Un appel général à soumettre ses propres Polaroids a certes permis d’échafauder, dans la dernière salle, une mosaïque de clichés plus intimes. Toutefois, sans rien enlever aux savantes expérimentations artistiques présentées précédemment, ce clin d’oeil à la démocratisation de la photographie provoquée par Polaroid (300 millions de caméras Polaroid seraient encore utilisées dans le monde, soit environ le tiers du nombre de iPhone en circulation) semble un peu timide.
Heureusement, les mots et les images de Wim Wenders synthétisent, tant pour le photographe du dimanche que pour le professionnel, toute la magie du procédé :
« Today, we take it for granted that we can see everything immediately on… our devices, but then, it was nothing less than a cultural revolution. We all felt we were looking at the future. And we were. » (source)
