Vu : Running Piece du chorégraphe Jacques Poulin-Denis présenté à Méduse le 18 octobre 2018, The Black Piece de la chorégraphe Ann Van Den Broek présenté à Méduse le 1er novembre 2018 et Dance Me des Ballets Jazz de Montréal présenté au Grand Théâtre de Québec le 8 novembre 2018.
Pendant les soixante minutes que dure Running Piece, le danseur Fabien Piché tente de suivre le rythme imposé par le tapis roulant sous ses pieds. Et comme dans la vie à l’extérieur de la salle, le défilement des choses à faire, des endroits où se rendre et des gens à rencontrer est essoufflant.


Dans The Black Piece, une caméra coiffée d’une auréole suit les danseurs dans le noir et les images sont relayées sur grand écran au-dessus de la scène. Malgré une représentation tout européenne de la sexualité et des rapports de force, dans la pénombre, plusieurs effets sont saisissants.

Dans Dance Me, l’hommage à Leonard Cohen est parfaitement maîtrisé, la lumière d’une précision chirurgicale et surtout, les mouvements des danseurs sont d’une fluidité absolue. Le contraste avec la danse contemporaine souvent saccadée et à contretemps (mais non moins fascinante) ne pourrait être plus grand. En même temps, la prouesse semble par moments appuyée, peut-être trop consciente de ses effets.

Les trois oeuvres se rejoignent dans la performance olympique exigée des interprètes. Elles confirment qu’il est désormais utopique de concevoir quoi que ce soit sans artifices technologiques, que ces derniers sont devenus des danseurs à part entière. Pourquoi s’en priver alors que les possibilités se multiplient, que cette omniprésence dit quelque chose de notre état d’esprit ?
Mais le corps à la base de la danse dans tout cela ? Et la beauté ?
Peut-être les artistes font-ils le même constat que Véronique Côté dans son ouvrage La vie habitable ? Elle écrit qu’à la sortie d’un « siècle d’horreurs inouïes […] les génocides et les camps de concentration auraient signé la fin de l’histoire (au sens narratif du terme), et Hiroshima, la fin de la beauté. » Ainsi : « […] l’idée de beauté est irrémédiablement devenue louche. Impossible d’énoncer dans une note d’intention que par l’oeuvre à venir, on cherchera à convoquer la beauté. Impossible par exemple d’écrire, même s’il s’agit de l’exacte vérité : La beauté alors m’a semblé être le seul remède possible. On sera mal interprété. » (p. 18)
Pourtant et « Malgré tout, persistant comme une petite musique obstinée qui refuse de nous sortir de la tête, il y a de la beauté, oui, chez les humains. Les gestes sont petits, parfois invisibles. Les gestes sont infimes. Mais parfois ils sauvent la vie, ou la journée. C’est devant cette beauté que nous sommes le plus désarmés : elle nous semble tellement inhabituelle que nous ne savons pas comment la recevoir. » (p. 20)
Comme le jour où, dans une perspective ouvrant trois salles plus loin, je l’ai tout de suite reconnue, mais n’ai pas su lui adresser la parole !
