Rebondir

Lu : Edward Bawden par James Russel (catalogue paru chez Philip Wilson Publishers de l’exposition présentée à la Dulwich Picture Gallery de Londres en 2018).

Illustrateur, graveur, graphiste et aquarelliste, Edward Bawden (1903-1989) est un artiste britannique absolument exceptionnel et prolifique.

Aquarelle : My vegetable love (aka The Greenhouse), 1932, Edward Bawden, source.

Après avoir accueilli chez lui des officiers de l’armée républicaine en exil, à la suite de la guerre civile espagnole, puis des réfugiés juifs fuyant l’Allemagne nazie, Bawden met sa famille à l’abri. Réquisitionné par le War Artists Advisory Committee, il débarque en France en 1940 pour dessiner tout ce qu’il voit. À peine quelques semaines plus tard, il doit retraverser la Manche lorsque 340 000 soldats alliés son évacués en neuf jours à partir de Dunkerque.

Lithographie : Dunkirk, 1986, Edward Bawden, source.

Bawden repart aussitôt pour Le Caire, Le Cap, Durban, Khartoum, Addis-Abeba puis sillonne le désert jusqu’à Benghazi. Suivent le Liban et l’Irak. En 1941, le navire à bord duquel il quitte l’Afrique du Sud pour rentrer au pays est torpillé à 1 000 kilomètres des côtes du Nigeria. Après plusieurs jours à dériver en mer dans un canot de sauvetage, il est capturé puis interné dans un camp au Maroc, alors sous le régime de Vichy.

Aquarelle : Kruschen Exercice (Dunwich Common): Private Linfoot, 1940-44, Edward Bawden, source.

Libéré par les Américains, il embarque pour la Virginie avant de refranchir l’Atlantique en 1942. De la Grande-Bretagne, il regagne Le Caire et poursuit sa route vers l’Arabie saoudite, l’Irak à nouveau, puis l’Italie et la Grèce en 1945.

Aquarelle : Menelik’s Palace: The Old Gebbi, 1940-1944, Edward Bawden, source.

De ce parcours hors du commun dont il rentre vivant, Bawden conserve une fascination pour le Proche-Orient.

Huile sur panneau : Fantasy on Islamic Architecture (diptyque, panneau de droite), 1966-1967, Edward Bawden, source.

Malgré l’horreur ou peut-être à cause de l’horreur, Bawden trouve également le moyen de rebondir et de produire, encore et encore, des illustrations pour tout (murales, livres, guides, menus, cartes, papiers peints) ainsi que des aquarelles incroyablement colorées et paisibles.

Avec son humour pince-sans-rire, sa fascination pour l’autre et l’ailleurs, dans l’espace et dans le temps, ainsi que son refus d’adopter une signature unique, Bawden était, selon Russel, en avance sur son temps. Grâce à lui, on ne porte plus le même regard sur l’art figuratif de l’entre-deux guerre, tant raillé depuis cinquante ans. Surtout, on a la preuve éclatante que l’art peut prendre plusieurs formes, qu’il peut faire preuve d’humour, et que la route peut s’avérer plus enivrante que la destination. Quel cadeau !

Aquarelle : The Church of St. Michael The Archangel, Booton, Norfolk, 1966, Edward Bawden, source.
Encre, aquarelle et gouache : Pars Museum, Shiraz, 1966,  Edward Bawden, source.