Palimpseste

Revu : le manège militaire de Québec. Vu : le Neues Museum et lu : Neues Museum Berlin par David Chipperfield en collaboration avec Julian Harrap, avec les photos de Candida Höfer et les essais de Kenneth Frampton, Julian Harrap, Jonathan Keates, Rik Nys, Joseph Rykwert, Karsten Schubert, Peter-Klaus Schuster et Thomas Weski, édité par Rik Nys et Martin Reichert et publié chez Verlag der Buchhandlung Walther König en 2009.

En préparant la reconstruction du manège militaire de Québec, le concept de palimpseste fut proposé pour expliquer comment certains éléments endommagés lors de l’incendie seraient conservés en même temps que les nouveaux aménagements formeraient une nouvelle couche d’histoire.

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Photo : nouveau foyer du manège militaire (en chantier), 2017, L. Godbout.

Cette idée déclencha un débat au sujet de l’adéquation de la métaphore, alors qu’un palimpseste constitue, comme l’écrit Jonathan Keates : « a surface on which any number of texts have been written but only imperfectly erased, so that it becomes possible for us to trace earlier fragments under existing lines » (pp. 51-52).

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Photos : emplacement d’un extincteur du manège militaire (en chantier), 2017, L. Godbout.
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Photo : escalier d’une des tourelles du manège militaire (en chantier), 2017, L. Godbout.

Comme le fait remarquer Karsten Schubert à propos de Berlin: « it is as if somebody had conducted a perverse experiment trying to figure out how much world drama could be crammed into the smallest amount of space in the shortest time closest to the present. » (p. 75) Pour expliquer l’approche privilégiée par l’architecte David Chipperfield lors de la reconstruction du Neues Museum, le concept de palimpseste semblait donc également approprié.

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Photo : Majolika Room, 2009, Candida Höfer, planche LVII.

Dans les deux cas toutefois, et malgré l’étendue des dégâts, il restait davantage que l’ombre de textes précédents. Dans ce monde divisé entre les apôtres de la mise en conserve (« preserve ») et l’avant-garde sans rétroviseur, qui détruit encore trop souvent pour mieux se mettre en valeur, difficile de discuter d’une troisième voie sans être automatiquement excommunié par les deux chapelles qui s’arrachent le micro.

Accepter de conserver ceci, d’enlever cela ou encore d’ajouter quelque chose qui n’était pas là, sans brouiller les cartes, en insufflant du sens, en participant à la magie du lieu, avec délicatesse et intelligence : c’est intimidant, exigeant et risqué. Mais tellement stimulant.

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Photo : Eastern Art Chamber, 2009, Candida Höfer, planche LIX.

Comme le résume si bien Chipperfield : « Our vision was not to make a memorial to destruction, nor to create a historical reproduction, but to protect and make sense of the extraordinary ruin and remains that survived not only the destruction of war but also the physical erosion of the last 60 years. This concern led us to create a new building from the remains of the old, a new building that neither celebrates or hides its history but includes it […] and idea not of what is lost, but of what is saved. » (p. 11) Le Neues n’est pas qu’un musée. C’est aussi un temple dédié à ce dialogue inclusif.

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Photo : Bernward Room, 2009, Candida Höfer, planche XXIX.