Vu : les jardins royaux de Herrenhausen et lu : Schloss Herrenhausen : Architecture, Gardens, Intellectual History par publié chez Hirmer Publishers en 2013.
De 1683 à 1708, l’héritière du trône de Grande-Bretagne, la princesse-électrice Sophie de Hanovre (1630-1714), avec l’aide du philosophe et polymathe Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) et du jardinier français Martin Charbonnier (1655-1720), transforme les plates-bandes de ce qui n’est alors qu’un chalet dans le Nord en scène prestigieuse pour les ballets diplomatiques estivaux de l’époque.

Rapidement, cette vision mène à la création de jardins occupant une superficie comparable à plus de la moitié de la ville fortifiée voisine.

Véritables gondoles et gondoliers importés de Venise pour profiter des deux kilomètres du canal ceinturant la propriété, festivals, feux d’artifice, bals masqués, pièces de théâtre, promenades nocturnes en carrioles dans les allées illuminées du jardin, réseau de fontaines dont une propulsant son jet à plus de 35 mètres de hauteur (67 mètres depuis le remplacement des pompes en 1860), bassins remplis de poissons, galerie baroque rivalisant avec celle des glaces à Versailles, orangerie, serres pour plantes exotiques et « pièces » de verdure pour converser discrètement à l’abri des regards tout en profitant du doux temps : tous les efforts sont déployés pour ravir et éblouir, pour démontrer à la fois le pouvoir et l’hospitalité du roi.


Pas un mot cependant au sujet de la façon dont la fortune nécessaire à une telle mise en scène fut amassée, au sujet des centaines d’ouvriers, artistes et petites mains de toutes sortes employés à l’aménagement, l’entretien et l’animation d’un décor aussi grandiose.
Exagéré ? Sans aucun doute, mais peut-être pas si loin des besoins contemporains de certains qui empilent chalet dans le nord avec Ski-Doo, vacances dans le sud avec Sea-Doo, carriole avec autant de chevaux qu’une Formule 1, barbecue pour faire griller deux bisons entiers, et fièvre du « Remodel it all and back again, it’s changing all the time ’cause it needs to go » si bien saisie par Radio Radio.

En 1936, le conseil municipal d’Hanovre acquiert les jardins et en fait un parc ouvert au public, ce qui permet encore aujourd’hui d’admirer, le souffle coupé, un paysage conçu à la fin du 17e siècle et resté à peu près intact.

En 1943, le château est presque entièrement détruit lors d’un bombardement aérien allié. Plusieurs projets pour remplacer celui-ci sont élaborés au cours des décennies suivantes, mais il faut attendre 2007 pour qu’une entente avec la ville de Hanovre permette à la VolkswagenStiftung de proposer une reconstruction du bâtiment faisant l’unanimité : reproduction astucieuse de l’enveloppe extérieure et intégration discrète d’un centre de conférence ultramoderne.
Rarissimes sont les réalisations aussi soignées et élégantes, aussi intelligentes et bien construites, établissant un dialogue aussi riche entre les diverses couches d’histoire d’un site, entre hier et aujourd’hui : quel fantastique hommage à la vision de la princesse-électrice Sophie de Hanovre !


Schloss Herrenhausen, 2010-2013, Jastrzembski Kotulla Architekten, p. 74.
