Lu : Et si la beauté rendait heureux par Pierre Thibault et François Cardinal, publié aux Éditions La Presse en 2016, et le Rapport synthèse de la conversation publique pour une politique nationale de l’architecture présenté à l’Ordre des architectes du Québec par l’Institut du Nouveau monde le 14 août 2017. Relu : Faut d’la fuite dans les idées par Marc Favreau, publié chez Stanké en 1993.

Moi aussi, je déménagerais bien demain matin à Copenhague.

Impossible donc d’être insensible aux bonnes intentions derrière cette conversation entre l’architecte Pierre Thibault et le journaliste François Cardinal. On voudrait tous prendre le temps de bien planifier, concevoir et construire nos maisons, nos édifices et espaces publics, nos villes et leurs réseaux de transport en commun. Prendre le temps de trouver des solutions sur mesure plutôt que de transposer des modèles préconçus et de les déposer n’importe comment dans le paysage. Arrêter ainsi de banaliser « les émotions, le territoire et donc la vie, par le fait même » (p. 99).

Par contre, ce plaidoyer semble oublier ce côté dit latin si cher aux Québécois, cette tendance à contourner les règles, que ce soit pour obtenir un bon « deal », payer moins d’impôt, rouler dans la voie réservée aux autobus, payer au noir les ouvriers qui refont la salle de bain ou doubler quelqu’un dans une file. Non, nous ne possédons pas ce savoir-vivre ensemble propre aux Scandinaves.

Impossible également de ne pas s’enthousiasmer pour plusieurs des souhaits exprimés lors des consultations menées en vue d’ébaucher une politique nationale de l’architecture. Il est enfin question d’établir un meilleur dialogue avec les bâtiments et les paysages existants. De remettre en question la règle du plus bas soumissionnaire, qui décourage le développement d’une culture de l’excellence, du bien pensé et du bien construit.

Par contre, comme dans beaucoup des textes précédents sur le même sujet et en l’absence d’une définition claire, la confusion règne encore entre la qualité en architecture et l’originalité d’un design. Pourtant, ces deux notions ne sont pas interchangeables : une architecture de qualité n’est pas nécessairement originale et une architecture originale n’est pas nécessairement de qualité !

Et puis revient l’éternelle complainte des architectes voulant que leur rôle soit mal connu du grand public. Pourtant, le cliché de l’architecte rêveur, obsédé par la beauté, impatient face à tout ce qui pourrait entraver la réalisation de sa vision, insensible aux basses considérations terrestres d’étanchéité et de budget, s’avère on ne peut mieux ancré dans la culture populaire.

Ou même dans le monologue Les embarrassants abris de Sol :

« Ah !… si j’avais des sous ça traînerait pas. Tout de suite je ferais faire des plans par un archimec. Ils sont forts les archimecs, ils te dessinent ta maison, puis ils te la mettent en pièces, ils font des divisions, plein de divisions… ils multiplient les divisions ! Bien sûr pour eux c’est bon, ça fait grimper l’addition… Ah ils sont forts. Puis tu te dis : « C’est très joli, mais ça va coûter combien ? » Et ton archimec te met la main sur l’épaule : – Écoutez, j’ai pour vous la plus haute estimation. Et t’es tant tellement flatté, tu veux même pas voir l’addition. – Bravo, que dit ton archimec, vous êtes un bon pliant ! Maintenant qu’on a trouvé un terrain d’entente, on peut commencer. » (p. 131)

Cette partie du rôle est donc très bien connue et c’est celle qui est la plus valorisée à l’école d’architecture, dans la profession et dans les médias. À nouveau, il n’en tient qu’à nous de descendre de nos grands chevaux, de gagner la confiance et le respect des clients et des autres intervenants de la construction, une personne à la fois, et ainsi de démontrer que l’on peut faire tellement plus, ensemble.