Lu : PPP : Photographies de personnalités politiques par Raymond Depardon publié aux Éditions du Seuil en 2006, et The unmediated photo is the message d’Eric Andrew-Gee publié dans The Globe and Mail le 13 août 2016.
Cofondateur de l’agence Gamma puis grand reporter chez Magnum, Raymond Depardon (1942- ) est un photographe et un documentariste dont le travail exceptionnel n’a rien à envier à ce qui serait aujourd’hui capté probablement davantage au moyen d’une GoPro que d’un Leica.

Sur d’autres lignes de front, Depardon a aussi saisi de nombreux politiciens, souvent en empruntant un angle inédit ou plus intimiste. Il a en cela contribué à humaniser le pouvoir alors que pendant longtemps, comme le rappelle Jean Lacouture dans sa préface, la majorité des gens ne connaissaient pas le visage, la prestance ou les manières de leurs rois ou de leurs représentants.


Il est par ailleurs fascinant de constater à quel point le huis clos d’un jet privé offre un décor privilégié. Pratique, car les politiciens ne peuvent s’éclipser vers leur prochain rendez-vous. Propice à la double métaphore, car trop loin des considérations bassement terrestres, mais assez éloigné du sol pour prendre le recul pouvant permettre, on l’espère, de prendre la bonne décision. Encore là, Depardon est aux premières loges et sait éviter toute complaisance.


Si Depardon était indépendant, les chefs d’État ont aujourd’hui leur photographe officiel, comme d’autres avaient auparavant un peintre à la cour. Parmi eux, l’Américain Pete de Souza et le Canadien Adam Scotti ont respectivement témoigné ces dernières années des moindres faits et gestes de Barack Obama et de Justin Trudeau.


Nombreux sont ceux qui décrient une telle mise en scène, cette proximité encore plus grande et désormais largement diffusée tant dans les publications officielles et sur les fils de presse que sur les réseaux sociaux. Pourtant, les politiciens ne font-ils pas simplement ce que des millions de leurs concitoyen(ne)s font eux(elles) aussi, c’est-à-dire présenter leur vie sous son meilleur jour, « selfies » et filtres à l’appui, sur l’une ou l’autre plate-forme du moment et ainsi construire consciemment leur propre idéal ?
