Lu : Pas de toit sans toi : Réinventer l’habitat social par un collectif sous la direction de Patrick Bouchain, publié dans la série L’Impensé chez Actes Sud en 2016.
« Réparer au lieu de reconstruire » (p. 31) et modifier « discrètement l’apparence de quelques rangées de maisons en briques, leur apportant ce qu’il faut de vivacité, tout en prenant soin de ne leur ôter ni leur identité ouvrière, ni leur rapport au temps inscrit sur chacune des briques travaillées par le vent et la pluie » (p. 18), voilà des propositions plutôt rares ces jours-ci, qui plus est dans le contexte du logement social où le dynamitage a encore la cote, mais qui donnent le ton aux trois projets de Patrick Bouchain présentés dans Pas de toit sans toi.

Démontrant que modestie et efficacité peuvent mener loin, le témoignage de l’architecte Sophie Ricard, relaté sous une autre forme ici, est particulièrement dépaysant et inspirant. Appuyée par quelques membres de l’équipe de Construire restés à Paris, mais qui visiteront régulièrement le chantier, Ricard se rend dans le quartier délaissé de Boulogne-sur-Mer sur lequel l’atelier de Bouchain a été invité à se pencher. Elle commence par retaper le jardin et l’une des maisons abandonnées, s’y installe avec son copain, puis s’intègre au voisinage pour commencer le patient travail de consultation en vue de traduire les besoins de chacun en améliorations concrètes.
Ces deux années de « permanence architecturale » n’ont pas été de tout repos. Les habitants, qui continueront de vivre dans leurs maisons tout au long des travaux, passent en effet de la méfiance à la curiosité, du cynisme à l’espoir, de l’impatience à la fierté. Ricard a dû composer avec ces hauts et ces bas, ainsi qu’avec la rigidité des autorités, peu habituées à privilégier les petits sous-traitants locaux ou à laisser les locataires choisir et intervenir.

Rénover la cuisine et la salle de bain, égayer les façades de couleur et coiffer les lucarnes d’une visière (incluant des descentes d’eau traversant leur nouveau toit en creux, un geste impensable dans notre climat) apportent de la dignité, mais n’assurent évidemment pas automatiquement la relance d’habitants défavorisés. Une telle approche ne se transpose pas nécessairement non plus dans tous les contextes, en particulier de ce côté-ci de l’Atlantique où la culture du plus bas soumissionnaire mine le souci de nouer des relations épanouissantes et d’oeuvrer pour la pérennité.
Par contre, même si vivre 24 heures sur 24 avec les occupants et les ouvriers peut être exigeant (pour avoir eu le privilège de surveiller en résidence plusieurs chantiers), cela permet de cultiver un respect, une coordination et une qualité de construction difficiles à atteindre autrement.
Alors que l’Ordre des architectes du Québec vient de lancer une grande « conversation publique » en vue de promouvoir l’adoption d’une politique nationale de l’architecture, pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour sortir des sentiers battus ?
