Vu : les spectacles Jérôme Bosch: le jardin des délices terrestres de Marie Chouinard présenté en novembre 2016, Last Work de la Batsheva Dance Company présenté en janvier 2017 (ces deux événements au Grand Théâtre de Québec) puis Beauté brute du collectif LA TRESSE présenté en mars 2017 au Complexe Méduse.
Nous vivons une époque troublée et troublante. Plus qu’une autre ? Probablement pas, mais assez troublante en tout cas pour que plusieurs chorégraphes choisissent de nous faire ressentir tout leur malaise. Il en résulte souvent une esthétique de l’inconfort à la limite de la névrose. Au mieux, celle-ci prend la forme de mouvements saccadés possédés par quelque force extérieure. Au pire, elle évoque peu subtilement des relations sexuelles plus ou moins consentantes ou des rafales d’armes automatiques.

Si Marie Chouinard n’échappe pas complètement à l’air du temps, elle arrive néanmoins à insuffler une pointe d’humour, même lorsque le couvercle saute. Pour preuve, l’extraordinaire scène de chaos total offerte dans le Jardin des délices, à la fois insoutenable et tellement disjonctée qu’il est impossible de ne pas sourire, ne serait-ce que timidement.

Étonnamment, compte tenu de toute l’originalité et du mystère de Last Work, Ohad Naharin n’échappe pas non plus à quelques transpositions beaucoup trop littérales. Les prouesses des danseurs sont cependant à ce point fabuleuses, rebondissant avec une énergie inattendue au moment où l’équilibre semble rompu, que l’on se laisse transporter.

Puis en vingt petites minutes bien tassées, Laura Toma, Geneviève Boulet et Erin O’Loughlin clignent elles aussi des yeux devant l’inconfort, mais, au lieu de céder, elles redoublent de créativité. Magnifiquement éclairées et évoluant sur une trame musicale envoutante, elles jouent avec finesse sur une série de décalages tout simples, mais inouïs. Mieux, lorsqu’une certaine tension sexuelle apparaît au détour, les mouvements créés par le trio semblent provenir d’un imaginaire féminin trop rarement vu et entendu, à mille lieues des clichés que l’on nous impose habituellement. Une Beauté brute, fraîche et fantastique !


