Lu : Les superbes : une enquête sur le succès et les femmes par Léa Clermont-Dion et Marie Hélène Poitras, publié chez VLB éditeur en 2016.

Quelle consternation que d’apprendre que les deux auteures ont chacune été attaquées sur la place publique pour s’y être exprimé avec succès (respectivement par le biais du documentaire Beauté fatale et du roman Griffintown), en particulier après avoir été invitées sur le plateau de Tout le monde en parle. Décidément, même si les rôles de chacun(e) ne sont en principe plus inscrits dans la pierre, plusieurs avancées semblent encore bien précaires.

À cette empathie initiale s’ajoutent, entre autres, les témoignages nuancés et éclairants de la « gameuse » Miss Harvey, de l’écrivaine Perrine Leblanc, de la blogueuse Marie-Christine Lemieux-Couture, de même que les questions fort pertinentes soulevées par la professeure Hélène Charron au sujet de ce que l’on entend par succès (notoriété et/ou excellence). Chapeau donc pour cette démarche !

Parallèlement, si ces conversations avec des filles qui n’ont pas froid aux yeux donnent envie d’en savoir plus, elles paraissent ici bien courtes, presque interrompues au moment où semblaient pourtant se dessiner de nouvelles pistes de réflexion. Même impression lorsque le chien de Louise Arbour interrompt à plusieurs reprises sa maîtresse, alors qu’elle a tant à dire.

Autrement, il était probablement naturel de consacrer une place privilégiée à Pauline Marois, étant donné qu’elle a été la première femme à occuper la fonction de première ministre du Québec. Malgré son parcours impressionnant, il est cependant difficile de voir en elle un modèle sachant qu’elle a recouru, une fois au pouvoir, à la division et à la xénophobie pour tenter d’arracher un gouvernement majoritaire. Pas pire que d’autres ou que certains arguments de ses opposants, et pas pire que ce que bien des hommes auraient fait à sa place, sans aucun doute. Mais malheureusement pas mieux ou plus inspirant pour autant de ce point de vue.

Pendant ce temps, les élections aux États-Unis ont, des deux côtés du 49e parallèle, rouvert les vannes à des propos et à des comportements qui depuis quelques années osaient moins se montrer au grand jour, légitimant au passage les petits tyrans ordinaires, leur arrogance, leur misogynie, leur brutalité. Devant ce « backlash », souhaitons que l’enquête de Clermont-Dion et Poitras, malgré ses quelques failles, inspire d’autres initiatives similaires pour continuer de rebâtir les ponts et retrouver l’envie de siffloter It’s a New Day .