Lu : l’article Some things should never be ‘normalized’ de Denise Balkisoon, publié dans The Globe and Mail le vendredi 2 décembre 2016.
Incarnation même de la controverse, celle tant recherchée pour animer la une, Donald Trump s’est avéré tout au long de la dernière campagne électorale américaine (et probablement encore pour les quatre années à venir) une véritable manne pour les médias. Ces derniers ont ainsi offert une tribune exceptionnelle au personnage et à tous ses dérapages, tout en ne cessant de répéter, d’un côté, qu’il ne pourrait remporter la présidence et que, de l’autre, personne ne voulait de Clinton (sans cependant ne jamais expliquer clairement pourquoi).

Ce faisant, les déclarations de Trump, aussi énormes soient-elles, sont devenues une affaire quotidienne. Comme l’écrit Balkisoon : « As unbelievable as all of these things might seem, […] they keep happening, so if frequency is a component of normalcy then, well, they’re normal. »
Et d’ajouter : « Labelling something as normal is a way of organizing the world, of making quick decisions as to what is reasonable and what cannot be tolerated. It frames how we absorb information and how we explain it, in both the short and long term. »

En plus de conserver l’avantage de l’ « underdog » jusqu’au jour du vote, le candidat républicain a ainsi pu normaliser son approche et arracher la victoire, même en ayant perdu les trois débats, même avec 2,5 millions de voix de moins que son adversaire, même après avoir insulté un nombre incalculable de personnes de tous les horizons.

Le plus sournois dans tout cela est que la normalisation de comportements et de déclarations autrement inacceptables s’est faite petit à petit, brouillant les limites, nous laissant avec ce « creeping fog that incrementally occupies power while obscuring its motives, its moves and its goals » (Jane Caplan citée par Balkisoon). Comment, dans ces conditions, ne pas s’inquiéter du possible « slow shifting of societal boundaries that set the stage for acquiescence to all-out corruption, or worse » ?

Cette sombre analyse arrive bien tard. Toutefois, alors que la planète journalistique ne procèdera fort probablement pas à l’examen de conscience qui s’impose, les mots de Balkisoon rassurent dans le sens où certain(e)s n’ont pas encore baissé toutes leurs gardes.
