Lu : Patrimoine religieux de Bellechasse par Jean-Pierre Lamonde, Gisèle Asselin, Paul St-Arnaud et Yvan Gravel, publié aux Éditions GID en 2009.
Jusqu’à relativement récemment, la paroisse constituait l’ « unité sociale et territoriale par excellence » (p. 9), un univers sur lequel le curé faisait la pluie et le beau temps, car lui seul « savait tout ce qu’il fallait faire et ne pas faire » (p. 295). Pour ceux qui ont connu cette époque, il doit être particulièrement déroutant de voir couvents, presbytères et églises fermer les uns après les autres. Et peut-être encore davantage lorsqu’il s’agit des bâtiments phares d’une région où des seigneuries ont été concédées dès 1636, et lorsque la paroisse s’est avérée synonyme de générosité, d’entraide (en cas de sinistre par exemple) et d’apprentissage à la citoyenneté (devenir d’abord marguiller pour ensuite prétendre à la mairie du village).


L’effort louable des auteurs pour mettre en valeur le patrimoine religieux de Bellechase est cependant entravé par quelques maladresses. Ainsi, dans un long avant-propos, Lamonde n’a pu résister à la métaphore littérale du grand-père racontant à son petit-fils, « qui vit dans la grande ville » et « dont le meilleur ami est arabe », cette « période de la grande croyance et de la pratique fervente de la religion catholique » (p. 12). Premier malaise.



Quant à l’introduction, elle s’achève en soulignant que la préservation de cet « héritage que les ancêtres nous ont laissé » serait « maintenant l’affaire des citoyens autant que des paroissiens, des municipalités [autant] que des fabriques » (p. 18). Si l’on considère que ces bâtiments ont été financés par la majorité des habitants de nos villages et que leur construction a permis à des générations d’artisans de vivre et d’exprimer tout leur talent, ils appartiennent effectivement à tous.
Par contre, il y quand même lieu de se demander si, plutôt que de consacrer tant de fonds à l’édification de monuments toujours plus nombreux et grandioses, l’Église n’aurait pas dû faire preuve d’un peu plus de prudence en conservant une partie de la dîme en vue de leur entretien à perpétuité. L’Église n’est pas le seul grand propriétaire immobilier confronté à une telle situation. Toutefois, alors que les coffres du Vatican semblent encore bien garnis, pourquoi devrait-on aujourd’hui « nationaliser », d’une certaine manière, la perte de revenus qui accompagne la faible fréquentation des temples ? Second malaise.


Au fil des abandons, des démolitions et des conversions réussies avec plus ou moins de bonheur, plusieurs voix se sont élevées afin de réclamer un véritable débat autour de l’avenir de ce patrimoine collectif, mais sans qu’un consensus ou même qu’une simple orientation n’émerge jusqu’à maintenant.
Pourtant, au-delà de leur caractère sacré, la plupart des bâtiments religieux occupent une place importante et structurante dans le paysage, tant en campagne qu’en ville. De ce point de vue, nous avons probablement tous notre mot à dire. Pour que le dialogue s’engage toutefois, vivement le moment où l’Église et ses « grands-pères » bien intentionnés feront preuve d’un peu plus d’ouverture, tant pour reconnaître les erreurs du passé, sur le plan social et financier, que pour envisager que « son » patrimoine devienne « notre » patrimoine, jeunes, non-croyants et immigrants inclus.