Lu : « Building Art: The Life and Work of Frank Gehry » par Paul Goldberger publié chez Knopf en 2015.
Frank Lloyd Wright, Le Corbusier et Mies van der Rohe : les membres du triumvirat des plus grands architectes du 20e siècle sont bien sûr célébrés pour leur esprit visionnaire. Par contre, les dérapages auxquels ont pu mener leur détermination à imposer cette vision sont le plus souvent relégués au second plan.



Dans sa biographie de Gehry, Goldberger offre justement une incursion dans les coulisses du processus créatif de cet autre géant de l’architecture et de ses excès. Par exemple, en 1986, le milliardaire Peter Lewis demande à Gehry de lui dessiner une maison dont le budget est de 5 M$. Alors que cette commande coïncide avec l’utilisation grandissante du logiciel CATIA et que Gehry redessine constamment le projet, le client se trouve à financer le développement de cet outil qui permettra plus tard à l’architecte de réaliser les formes de plus en plus complexes qu’il imagine. Ensemble, ils continuent néanmoins de rêver au point où quelques années plus tard, l’estimation du coût de construction franchit la barre des 50 M$.
Ce prix étant 5 M$ plus bas que celui de la maison que Bill Gates vient de se faire construire (par un autre architecte), Lewis accepte de continuer de rêver. En 1995 cependant, alors qu’aucune fondation n’est encore sortie de terre et que le client s’impatiente, l’équipe de Gehry lui annonce que le coût de construction atteint maintenant 82,5 M$ (à titre de comparaison, le musée Guggenheim de Bilbao, achevé en 1997, a coûté 97 M$).

Inutile de dire que le projet n’est pas allé beaucoup plus loin, comme quoi, même lorsqu’il n’y a pas de limites, il y a quand même une limite.