Chaque jour en me rendant au travail, je passe devant une école primaire dont les élèves musulmans apprennent trois langues et sont reconduits par leurs pères (médecins ou ingénieurs dans leurs pays d’origine ?), souvent au volant de leurs taxis.

Chaque jour, depuis l’épisode de la Charte des valeurs « québécoises », je vois l’inquiétude dans les yeux des parents, des enseignants et des enfants les plus grands. Toutefois, depuis la fusillade du 22 octobre à Ottawa, c’est tout leur visage qui trahit maintenant une peur viscérale, la même que celle que j’ai ressentie toutes ces fois où j’ai dû traverser la cité à pied, entre l’école d’architecture et le centre-ville de Grenoble en 1994-1995. Peur de me faire casser la gueule ou percer l’estomac, pour un oui, pour un non, sans raison autre que celle de ne pas faire partie du décor.

De retour ici, je me suis souvenu des copains Haïtiens, Coréens ou Serbes qui étaient dans ma classe à l’école primaire, de notre chance inouïe d’avoir pu parcourir la ville sur nos petits vélos, glisser en traîne « sauvage » dans l’ancienne carrière encore béante au cœur du quartier, et profiter ainsi pleinement ensemble de l’espace public. Pourquoi, depuis, un tel dérapage ?
Non au repli et à la peur de l’autre.