Complice

Lu : The Model Wife par Arthur Ollman, publié chez Bullfinch Press Book en 1999; vu : Eloquent Nude, un documentaire réalisé par Ian McCluskey en 2007; lu : Through another lens: my years with Edward Weston par Charis Wilson et Wendy Madar, publié chez North Point Press en 1998, et lu : Artist and Model: Edward Weston’s former wife recalls their lives together, un article signé par Nicholas Fox Weber et paru dans le New York Times du 7 juin 1998.

En présentant une sélection d’images composées par neufs célèbres photographes de la femme au centre de la vie de chacun, le recueil d’Ollman (1947- ) suggère une tentative de capturer l’étincelle entre l’artiste derrière la caméra et l’artiste devant.

Malgré quelques pas de côté pertinents (représentations semblables par des artistes féminins de leur mari) ou très actuels (poids du regard masculin et objectification du corps), son analyse, étonnamment, confine plutôt ces muses dans l’orbite de l’épouse effacée et silencieuse, au service de l’oeuvre.

Pourtant, interrogé par McCluskey, qui lui semble avoir pleinement saisi la relation symbiotique entre Edward Weston (1886-1958) et Charis Wilson (1914-2009), Ollman remarque que : « Decades ago in a place we have never been to, in a time we were not even alive yet, and there we are transported back into his head [celle de Weston], looking thorough his eyes to the woman he loves, and we get to feel that. His pictures of Charis are probably the most intimate pictures he took in his life, the most personally exposed, and the most emotionally generous perhaps. »

Quant à l’ouvrage de Charis Wilson, Fox Weber lui reproche de ne pas être assez glamour et charnel, de ne pas s’inscrire dans la : « tradition of great artist-model relationships as elucidated in tales […] ranging from Renaissance masters to Matisse and Picasso ». Il n’était effectivement pas nécessaire de mentionner jusqu’à la position dans laquelle Weston faisait ses besoins. Cependant, un continent sépare la bohème californienne du puritanisme de la côte est, auquel s’ajoute un océan pour rejoindre ce qui pourrait émoustiller l’Europe.

Wilson décrit bien l’ascétisme du couple, à la fois volontaire, en raison de leurs personnalités et de leurs convictions, et subi, en raison de la crise économique des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale. Elle rend également compte de l’immense somme de travail derrière les clichés mythiques de Weston. Ce labeur, Wilson y a grandement contribué non seulement en se dénudant devant l’objectif, mais en rédigeant les demandes de bourse, les récits de voyage et les articles expliquant la vision du photographe, en jouant le rôle de chauffeure et de mécanicienne (Weston ne conduisait pas), et en repérant les endroits qui sauraient inspirer le regard de son amoureux.

En fait, avec finesse et maintes nuances, Wilson raconte une relation toute en retenue, peut-être caractéristique de l’époque, complexe et naturellement teintée des tiraillements que l’on vit tous. Elle décrit aussi un quotidien parsemé de bons moments et d’humour en présence d’une galerie de personnages colorés et attachants, dont Ansel Adams (1902-1984).

Et si, en plus de témoigner du regard artistique de chaque photographe, en plus de combiner fascination, admiration et tendresse envers leur amoureuse, plusieurs de ces instants volés sur pellicule émouvaient surtout en raison de la complicité palpable entre deux personnes ?

Comme dirait Kanye West sur Gold Digger (ne pas regarder la vidéo, ne pas écouter les paroles trop attentivement, mais danser joyeusement sur un flow et un beat difficiles à battre): « […] I’m lookin’ for the one, have you seen her? » Il suffit sans doute d’ouvrir la bonne boîte de céréales !