Altération

Relu : On Weathering: The Life of Buildings in Time par Mohsen Mostafavi et David Leatherbarrow (avec les photos de Charles Tashima) publié chez MIT Press en 1993. Et commencé à lire : Buildings Must Die: A Perverse View of Architecture par Stephen Cairns et Jane M. Jacobs publié chez MIT Press en 2014.

Il est de bon ton chez les architectes d’affectionner les détails, de multiplier les assemblages expressifs, même si cette expression se veut minimaliste, et surtout de réinventer ceux-ci encore et encore. Cela témoigne de l’omniscience du concepteur, au pire d’un maniérisme étouffant, au mieux d’un art total où tout concourt à renforcer la cohérence du projet.

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Photo : sans titre, Amsterdam, 2016, L. Godbout.

Parallèlement, Mostafavi et Leatherbarrow rappellent qu’avec l’industrialisation de la construction : « The increase in number of parts went hand in hand with the increase in the number of joints, or points of connection between elements – joints by juxtaposition rather than synthesis. Connections of this sort were usually made weather-tight with sealants [resulting] in an increased number of places in the building exposed to the influence of the elements. » (p. 21)

Face à toutes ces nouvelles juxtapositions, Cairns et Jacobs indiquent que : « The gamble between innovation and practical functioning is one often taken by architects. Pushing this boundary was even [remains ?] celebrated as a badge of honor ». Frank Lloyd Wright aurait d’ailleurs affirmé que si : « the roof doesn’t leak, the architect hasn’t been creative enough » ! (p. 76)

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Photo : Musée du quai Branly (2006), Jean Nouvel, Paris, 2010, L. Godbout.

En éliminant la panoplie de moyens de défense traditionnels contre les intempéries (parapets, saillies, solins, seuils, casse-goutte, plinthes, gouttières et descentes d’eau) et leur combinaison astucieuse, l’architecture moderne (et, encore souvent, contemporaine) s’expose tout particulièrement à l’altération ou au « weathering » des surfaces immaculées qui lui sont si chères.

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Photo : sans titre, Paris, 2005, L. Godbout.

En attendant de plonger avec bonheur plus en profondeur dans les pages de Cairns et Jacobs, c’est là que redémarre l’éternel débat entre la patine qui ajoute de la valeur à l’oeuvre, comme l’envisage Aloïs Riegl (1858-1905), et celle perçue comme une atteinte physique voire morale. D’après les auteurs, Pline l’Ancien (23-79 après J.-C.) faisait déjà la distinction entre la patine noble (aerugo nobilis) et la patine ignoble ou virulente (virus aerugo) !

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Photo : Immeuble d’habitation (1902-1904), Auguste PerretParis, sans date, Charles Tashima, p. 73.