Replis

Visité : le Musée Dufresne-Nincheri à Montréal.

Pour beaucoup, la vie se passe de plus en plus derrière leur (très) petit écran, peu importe qu’ils soient au volant ou même attablés en charmante compagnie.  Misant sur un tel magnétisme, un nombre grandissant de musées délaissent la réalité de leurs murs et des œuvres qui y sont accrochées pour se glisser dans une tablette qu’ils prêtent ensuite aux visiteurs.

Dans le cas du Musée Dufresne-Nincheri, la présentation est léchée et l’information généreuse au point où l’on pourrait facilement consacrer toute une journée à s’instruire… sans jamais lever les yeux pour admirer cet improbable château-duplex à l’histoire pas banale, et dont chaque moitié est dotée de sa propre enfilade de pièces savamment mise en scène et de décors à l’éclectisme étourdissant, mais non moins grandiose et raffiné.

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Photo : hall d’entrée de la demeure de Marius Dufresne, sans date et sans auteur, source.
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Fresque : sans titre et sans date, Guido Nincheri, source.

Malheureusement, une telle approche témoigne d’un manque de confiance déconcertant envers le pouvoir d’évocation exceptionnel du bâtiment, ainsi qu’envers le visiteur, que l’on ne croit plus capable d’apprécier la réalité que de façon interposée, alors qu’il s’est pourtant déplacé pour voir la bête de pied en cap.

Par ailleurs, sans doute pour protéger tous ces trésors de la lumière naturelle, mais peut-être aussi pour s’assurer que celle-ci ne crée pas de reflets gênants sur l’écran (!), des stores recouvrent la majorité des fenêtres, niant la relation étroite qui existe entre les pièces et le jardin qui entoure le château.

Enfin, le contenu de la tablette et des intérieurs est absolument exclusif, car aucun livre ne reprend et développe le premier et il est interdit de photographier le second, contrairement à bien des musées, même les plus grands.

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Photo : grille ornementale protégeant l’imposte d’une des portes d’entrée du Château Dufresne, 2016, L. Godbout.

Alors que la propriété est déjà enclavée par des artères très passantes ou complètement défoncées, tous ces gestes de repli sont fort dommages, car il suffirait de bien peu pour que ce musée soit plus accueillant, vivant et attachant !