Lu : L’Orient rêvé: photographies du Maroc 1870-1950 par Éric Milet publié chez Arthaud en 2008.
Que l’entreprise se fasse sous couvert d’évangélisation, de « pacification » ou de quelque autre doctrine, le saint-simonisme dans le cas du Maroc, l’Homme ne semble jamais à court d’imagination lorsqu’il s’agit de justifier le pillage du voisin ou l’enlèvement de ses filles. Aussi est-il troublant, au fil des images rassemblées par Millet, de voir le « père protecteur » siroter paisiblement le thé, alors que la carte dépliée devant lui sert possiblement à planifier quelque manœuvre de contre-insurrection.

Il est également troublant d’admirer les décors et les visages des « indigènes » qui y vivent sans partager la fascination du colonisateur devant tant de beauté et de mystère.

En même temps, il est impossible de ne pas éprouver un profond malaise tant le regard posé par l’envahisseur met à distance, souligne les différences, place en décalage des traditions dont il ne maîtrise pas les codes. Sournoisement, l’« étranger » se trouve peu à peu dépeint en « barbare ».
À la fois ébloui et clairvoyant, intrigué et impérialement condescendant, Milet suit le même parcours contradictoire que celui des photographes découvrant le Maroc, trébuchant sur ses fantasmes et ses préjugés.
En écrivant que la soif de conquête des puissances coloniales cache les « manques d’une société occidentale qui ne s’aime pas », il met peut-être le doigt sur quelque chose. Un tel détour, comme ceux autrefois empruntés par le saint-simonisme, demeure cependant tarabiscoté et peu convaincant.