Déjà à Diên Biên Phu, les Français perdirent plus de 3 000 soldats en moins de deux mois (et 7 000 autres en captivité par la suite). Au cours des deux décennies suivantes, les Américains en perdront près de 60 000 (sans compter les 150 000 blessés et les innombrables traumatisés) tout en faisant disparaître sous des tapis de bombes environ trois millions de Vietnamiens, et en laissant un nombre égal de survivants aux prises avec les effets des défoliants.
En parallèle, les États-Unis verront près d’un millier de leurs chasseurs Phantom F4 et près de trois mille hélicoptères Bell Huey (toutes versions confondues) être abattus ou endommagés irrémédiablement, pour ne nommer que les appareils les plus emblématiques.

Dans la foulée d’un tel gaspillage, les photos que partagent encore aujourd’hui entre eux les anciens combattants laissent perplexe, en particulier celles des quelques moments passés à l’écart de la furie.
D’un côté, les clichés de jeunes Saïgonnaises filiformes au bras de géants américains en uniforme, en file pour entrer au cinéma, inspirent un profond malaise. De l’autre, plusieurs images apparaissent comme un baume, comme le miroir du regard fasciné de jeunes découvrant souvent en roulant et à la volée, parfois plus attentivement, un environnement dont il ne maîtrisent pas les codes.

La présence française est bien inscrite dans les façades, la modernité bétonnée et publicitaire aussi. Auxquelles s’ajoutent, en dépit des situations surréalistes découlant de tous ces coups de butoir portés par les puissances étrangères au fil des siècles, une débrouillardise légendaire ainsi que des sourires lumineux et dignes.
